Accélérer la transition sociale et environnementale des marques par un nouveau modèle d’agence engagée, experte, agile, créative et heureuse.
Je m’appelle Thomas Parouty. Je viens du Sud-Ouest – et oui, on l’entend un peu à l’accent, mais on ne pourra pas le lire ici ! Cela fait 25 ans que je travaille en agence de communication. Les dix premières années, je les ai consacrées aux problématiques corporate et digitales. Puis, en 2009, j’ai fondé MIEUX, la première agence de communication pensée dès sa création pour accompagner les enjeux RSE des entreprises et des marques.
Aujourd’hui, MIEUX, c’est une équipe d’une vingtaine de personnes, avec une position singulière sur le marché. Je n’aime pas trop parler de"leader", mais notre antériorité dans ce domaine nous permet souvent de collaborer avec les acteurs majeurs de chaque secteur.
Dans la bière, on travaille avec Heineken. Dans le café, avec Carte Noire. Dans la santé, avec Sanofi et UPSA. Dans le retail, avec Lidl et Decathlon. Pour la beauté et le luxe, avec L’Oréal, Hermès et Longchamp. Ce sont de très belles marques, avec des projets ambitieux, portés par des personnalités sincèrement engagées.
Notre raison d’être, en tant qu’entreprise à mission, est claire : « Accélérer la transition sociale et environnementale des marques par un nouveau modèle d’agence engagée, experte, agile, créative et heureuse. »
Notre métier, c’est d’aider les marques à rattraper le temps perdu, à dépasser leurs concurrents sur ces sujets, à se positionner plus fortement sur les enjeux RSE.
Ce que nous proposons est rendu possible par notre organisation : plus de liberté, plus de responsabilité confiée aux jeunes, une gouvernance plus démocratique… et surtout, un haut niveau d’expertise. Toute l’agence ne fait que ça : de la RSE. Certains y travaillent depuis 5 ou 10 ans, avec une implication forte et une ambition que je pense parmi les plus élevées du secteur. Et le tout dans la joie et la bonne humeur ! Car pour être créatif, il faut oser, tenter, sortir du cadre. Et pour cela, il faut que chacun se sente bien, ait envie, apprenne en continu. L’épanouissement personnel est au cœur de notre modèle.
On le dit souvent : notre carte bleue est un bulletin de vote. Dans un monde où la démocratie traverse des turbulences, c’est un levier de changement à ne pas négliger.
Oui, je cite souvent M. et Mme Meadows. On parle beaucoup de Denis, à juste titre , mais on oublie souvent Donella, sa femme. Et c’est intéressant, car dans le monde de la RSE, il y a historiquement plus de femmes que d’hommes, que ce soit dans les directions RSE ou parmi les pionnières du conseil, comme Élisabeth Laville (Utopies), Élisabeth Pastor Reis (Ethicity) ou Agnès Rambaud-Paquin (Des Enjeux et des Hommes).
Leur ouvrage fondateur, Les Limites à la croissance, publié en 1972, mettait déjà en garde contre les dérives d’un modèle de consommation sans frein. Et aujourd’hui, plus de 50 ans plus tard, on est toujours lancés à pleine vitesse dans cette surconsommation.
Dans ce contexte, la communication a un rôle essentiel : elle doit faire émerger de nouveaux récits, inventer des imaginaires qui ne soient plus uniquement fondés sur l’accumulation et l’ostentation.
Pourquoi roule-t-on en Range Rover ou en Tesla plutôt qu’en vieille Dacia d’occasion ? Ce n’est pas qu’une question de besoin, c’est avant tout un marqueur social, une image que l’on veut renvoyer. Et cela vaut pour tous les secteurs : le luxe, la mode, le sport…
Le défi de la communication aujourd’hui, c’est donc d’inventer de nouvelles manières de dire et de faire envie. Des récits dans lesquels le plaisir ne passe plus par la possession mais par l’usage, la sobriété, le partage. Et où les enjeux carbone, et bientôt ceux liés à l’eau, à la biodiversité, deviennent partie intégrante de la décision d’achat.
On le dit souvent : notre carte bleue est un bulletin de vote. Dans un monde où la démocratie traverse des turbulences, c’est un levier de changement à ne pas négliger. À nous, communicants, de le faire comprendre aux consommateurs et aux clients des marques pour lesquelles nous travaillons.
Les deux. Une bonne communication RSE s’appuie à la fois sur des preuves tangibles, les actions déjà réalisées et sur une vision claire de ce qui est à venir.
D’abord, il faut pouvoir démontrer que les engagements ne sont pas opportunistes. Si une marque agit depuis dix ans en soutenant une association ou en travaillant sur l’éco-conception de ses produits, elle est légitime pour prendre la parole.
Ensuite, il faut dire où l’on va. Annoncer un « net zéro carbone en 2050 »,comme le font certaines compagnies aériennes, ne suffit pas ; c’est même creux, pour ne pas dire ridicule. Il faut arrêter de parler de 2050. Parlons plutôt de 2030. Rien que sur les scopes 1 et 2, il y a déjà un travail colossal.
La communication doit donc aussi exprimer une intention, une ambition, et la chiffrer. Dire par exemple : « Net zéro sur les scopes 1 et 2 à l’horizon 2030. » C’est un engagement fort, qui engage.
On travaille historiquement avec Bollinger. Ils s’interrogent sur l’ensemble de la chaîne de production : la culture des vignes, la bouteille, le packaging...C’est un bon exemple : poser des actes, suivre les résultats, s’inscrire dans une démarche de progrès continu.
Une entreprise responsable, c’est une entreprise capable de répondre aux questions qu’on lui pose, d’assumer ses engagements. Et répondre, ça suppose de communiquer.
Aujourd’hui, certaines entreprises choisissent de ne plus communiquer du tout. Et, à mon sens, c’est une erreur. Pas seulement parce que je suis communicant, mais parce qu’on ne peut pas transformer sans expliquer. Il est essentiel de donner du sens à ce que l’on fait, d’expliquer ses choix, ses actions, ses arbitrages.
Refuser de communiquer, c’est presque contradictoire avec l’essence même de la RSE, qui repose sur le dialogue avec les parties prenantes : les collaborateurs, les clients, les fournisseurs, les territoires… Toute stratégie RSE digne de ce nom se construit avec eux, pas dans un coin de bureau. Et pour qu’ils puissent y contribuer, encore faut-il qu’ils soient informés, impliqués, engagés.
Déjà, étymologiquement,"responsabilité" vient de "respondere", en latin : répondre à. Une entreprise responsable, c’est une entreprise capable de répondre aux questions qu’on lui pose, d’assumer ses engagements. Et répondre, ça suppose de communiquer.
Si je décarbone ma logistique sans en parler à mes fournisseurs, comment pourraient-ils s’adapter ? Si je repense ma gamme de produits sans dialoguer avec mes clients, comment sauront-ils faire les bons choix ?
Et à l’inverse, si je garde ma stratégie RSE au fond d’un tiroir, elle ne vivra pas. Parce qu’une stratégie qu’on ne partage pas, qu’on ne met pas en commun, n’existe pas.
D’ailleurs,"communication" vient de "communicare", "mettre en commun". C’est exactement cela : faire circuler les idées pour qu’elles prennent corps.
Complètement. La communication est un véritable levier de transformation. C’est d’ailleurs inscrit noir sur blanc dans notre raison d’être. Et cette transformation, elle n’est possible que si elle repose sur la coopération :avec les collaborateurs, les consommateurs, et l’écosystème dans son ensemble.
Ce que dit Cécile Béliot est parfaitement juste. D’autant plus que Bel incarne un exemple d’entreprise véritablement engagée. Ils ont signé un partenariat ambitieux avec Carrefour pour décarboner leur offre, en y intégrant une proportion bien plus grande de produits d’origine végétale. C’est une entreprise qui bouge, qui innove, avec de nombreuses femmes occupant des postes de direction et des résultats positifs sur plusieurs fronts.
Et cette idée de "créer des conversations" est essentielle. C’est ce qui nous distingue fondamentalement des autres espèces, bien que certains animaux aient développé des capacités de communication impressionnantes ! C’est par l’échange que l’on devient plus intelligent, plus lucide, et plus apte à se transformer collectivement.
Souvent, dès le début. Nous animons une multitude d'ateliers d’intelligence collective. C’est, à mon sens, la méthode la plus efficace pour impliquer les équipes, pour aligner les différentes parties prenantes et faire émerger une vision partagée, suivie d’une communication cohérente.
Une communication construite en vase clos, par un directeur de la communication, un directeur RSE et une agence, a toutes les chances de passer à côté de la réalité. C’est ainsi que l’on se retrouve parfois face à des cas de greenwashing. Pas forcément par malveillance, mais souvent par ignorance. Par ce manque d’écoute des bonnes personnes, par l’absence de voix internes qui auraient pu dire : « Attendez, là, on exagère un peu… »
C’est pourquoi la co-construction est essentielle. Elle fait partie intégrante du processus. Et c’est aussi un moyen simple d’éviter le « washing » en mettant autour de la table ceux qui savent, ceux qui font, et ceux qui vivent les impacts sur le terrain.
Exactement. La communication est centrale dans ce processus.
Je pense à un exemple particulièrement parlant : notre collaboration avec Decathlon, et plus spécifiquement avec leur marque Forclaz, la marque de trek, petite sœur de Quechua. Ensemble, nous avons travaillé sur des collections capsules, des «panoplies » techniques hyper décarbonées destinées à la randonnée.
Ce projet a été co-construit avec leur club de consommateurs, un groupe extraordinaire. On leur envoie un questionnaire et on reçoit 500 réponses, venant de profils très variés, mais qui partagent une compréhension fine de l’économie circulaire. Ce n’est pas parce qu’ils sont experts en analyse du cycle de vie, mais plutôt parce qu’ils sont curieux, animés par le bon sens et désireux de comprendre. Ils savent que si un produit est fabriqué avec tel matériau, dans tel pays, et utilisé de telle manière, il a un impact. Ce sont des passionnés de sport, très engagés et réactifs. C’est une véritable richesse.
D’autres marques ont aussi saisi l’intérêt de ces communautés : le Club Med à une époque, Lego, ou encore Carrefour, avec Bertrand Swiderski, qui va régulièrement à la rencontre de son propre club de consommateurs. Ces initiatives sont de véritables outils d’intelligence collective, de différenciation, mais surtout, de justesse.
Oui, absolument. Certains secteurs ont pris une longueur d’avance, souvent en raison de leur forte exposition aux enjeux environnementaux et réglementaires. C’est particulièrement le cas de l’immobilier et de l’urbanisme, qui ont longtemps été sous pression. Ces secteurs ont donc dû évoluer. Aujourd’hui, éco-concevoir un bâtiment n’est pas seulement une contrainte ; cela peut aussi générer des économies substantielles. Et surtout, cela assure un meilleur usage pour les habitants, notamment en termes de performance énergétique.
Des entreprises comme Bouygues Immobilier, Nexity, Alterea, Cogedim ou Gécina ont mis en place des stratégies RSE bien abouties. Cependant, côté communication, soyons honnêtes, cela manque parfois de panache. On reste souvent dans des messages assez simples, du type «résidence aux portes de Paris, idéale pour les familles ». Ces entreprises sont certes en avance sur le fond, mais pas toujours sur la forme.
En revanche, certains secteurs parviennent à combiner transformation en profondeur et communication percutante. Prenons l’exemple du sport outdoor. Patagonia est un modèle emblématique, mais il n’est pas le seul. Des marques comme Picture, les enseignes de montagne de Décathlon, Arcteryx, Millet, Salomon... Ce secteur est particulièrement sensibilisé à l’environnement, car les produits sont utilisés en pleine nature, rendant les enjeux écologiques immédiatement tangibles. De plus, les dirigeants et les équipes entretiennent souvent une relation intime avec les milieux qu’ils souhaitent protéger.
Prenez le patron de Forclaz, la marque de Trek de Decathlon : il est né à Serre-Chevalier. Sa montagne, c’est son enfance, son village, sa vie. Pour lui, l’éco-conception n’est pas une case à cocher, mais une évidence. Et cette approche se reflète dans la manière dont l’entreprise parle et agit.
Il y a également des marques qui osent des choix audacieux, comme Mustela, qui a récemment annoncé la fin des lingettes. C’est un signal fort dans un secteur où les habitudes sont profondément enracinées. Ce type de décision incite l’ensemble du marché à évoluer. Aujourd’hui, dans le domaine des soins et de la pharmacie, on voit clairement une accélération. Des entreprises comme L’Oréal, Mustela, Avene ou Klorane avancent à grands pas. Même si certains, comme Pierre Fabre, rencontrent des obstacles, je pense à l’autoroute A69, ils ont toujours été des pionniers sur de nombreux sujets.
Enfin, la grande distribution, avec Carrefour en tête, joue également un rôle majeur. Leur programme Act forFood est structuré et leur club des consommateurs constitue un outil de pilotage précieux.
Il est impossible de parler de RSE sans mentionner l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Des mutuelles comme la Maif ou la Macif ont pris des engagements forts, soutenus par des campagnes efficaces et sincères, bien ancrées dans leurs valeurs.
Plutôt que de nommer une seule entreprise, j’aimerais te parler d’un collectif : celui des alumni de la CEC (Convention des Entreprises pour le Climat). C’est un programme qui agit comme un électrochoc. A chaque nouvelle promotion, tu vois des binômes, un DG et un "Planet Champion", plonger dans les enjeux systémiques, scientifiques et humains pendant plusieurs mois. C’est un véritable chamboulement pour eux. Et, souvent, ces entreprises en ressortent transformées.
Prenons l’exemple de Renault Trucks. Avant la CEC, ils étaient des industriels classiques, et aujourd’hui, ils n’hésitent plus à dire publiquement : "On doit produire moins de camions". Ce n’est pas rien pour un constructeur. Leur vision a changé. Ils parlent maintenant de mutualiser les flux, d’intensifier l’usage des véhicules, de repenser leur modèle. C’est un virage radical, un véritable shift.
Un autre exemple qui m’impressionne, c’est PhotoWeb. Cette entreprise, spécialisée dans l’impression d’albums photos, n’était pas un acteur typique de la transition écologique. Mais après la CEC, ils ont changé de cap. Ils sont venus nous voir avec un objectif clair : "Notre métier est polluant, et il faut le transformer." Aujourd’hui, ils forment leurs équipes, réduisent l’utilisation de produits chimiques, et repensent leur processus de production de manière plus respectueuse de l’environnement. Ce qui est fascinant, c’est qu’ils ont su communiquer cela intelligemment. On a travaillé avec eux sur une série de contes audio, diffusée sur Radio Autoroute et en podcast. L’histoire de deux enfants, qui ramassent des bouteilles en plastique, boivent à la gourde et respectent la nature. C’est léger, bienveillant, mais ça atteint les familles. C’est une communication qui fait passer des messages simples mais puissants. Ce changement est authentique, il ya vraiment un avant et un après. Et c’est la CEC qui agit comme un catalyseur, qui permet d’aligner les têtes, les cœurs et les tripes.
Donc, oui, il y a clairement un avant-après CEC pour ces entreprises.
Oui, bien sûr. Notre boussole, c’est notre raison d’être : contribuer à accélérer la transition. À partir de là, si une entreprise montre une volonté sincère d’évoluer, on est prêts à l’accompagner, même si elle part de loin. On ne cherche pas des clients parfaits, ça n’existe pas, mais des trajectoires crédibles. En revanche, il y a des lignes rouges.
Quand Bayer-Monsanto nous a approchés, on a dit non. Les OGM, pour nous, ce n’est pas un futur possible. On s’appuie sur les faits, sur la science, pas sur des effets d’annonce.
On a aussi décliné une demande de NGE, l’entreprise derrière l’A69, cette autoroute décriée entre Castres et Toulouse. Ils voulaient travailler leur image employeur, se repositionner en acteur responsable. Mais comment parler responsabilité quand l’objet même de l’activité est un non-sens écologique et social ? Là aussi, on a dit non. Il faut que le fond précède la forme.
Avec Tefal, c’était un autre cas : on leur a proposé de construire une trajectoire ambitieuse, de sortir plus vite de l’usage des PFAS. Ils n’étaient pas prêts à avancer, donc on n’a pas donné suite.
Mais attention, on n’a pas une posture punitive. On travaille aussi avec de grands groupes comme Danone, L’Oréal ou des opérateurs télécoms. Leur empreinte est massive, bien sûr. Mais ils sont en mouvement. Et c’est ça qu’on cherche : des entreprises prêtes à questionner leur modèle et à le faire évoluer.
Oui. Et on l’encourage même. Un exemple : on a travaillé avec Clariane, l’ancien groupe Orpea, sur des projets de sobriété énergétique dans leurs établissements. C’est une entreprise qui, après le scandale des EHPAD, cherche à se réinventer. On s’est assurés que le taux de satisfaction des résidents était au plus haut. Mais une collaboratrice de l’agence a exprimé un malaise. Elle ne voulait pas s’investir sur un projet porté par un groupe privé, coté en bourse, dans le secteur des EHPAD. On l’a écoutée, on a respecté son choix. Une autre personne a pris le relais. C’est aussi ça, la cohérence :permettre à chacun de rester fidèle à ses valeurs.
Oui, même eux. Parfois, il y a un excès de narration. Quand je lis qu’ils ont « fondé l’entreprise pour sauver la planète », je me dis qu’un créatif s’est un peu laissé emporter. Ce n’est pas grave, mais ça dit quelque chose : il ne faut pas confondre l’ambition sincère et la mise en scène de soi.
La raison d’être, c’est pourquoi on existe dans la société. Si je ne peux pas répondre à cette question, alors je peux être remplacé par une machine
D’abord, il faut dire que ne pas communiquer, c’est aussi un choix. Et souvent, c’est un aveu. Une entreprise qui ne parle plus va être perçue comme une entreprise qui se retire, qui se cache. Or, son rôle n’est pas seulement de produire ou de vendre, mais d’expliquer pourquoi elle existe, ce qu’elle transforme, et comment elle agit. Cela commence par l’intérieur. Avant de convaincre le grand public, il faut embarquer ses collaborateurs. Leur dire où on va, pourquoi on change, ce qu’on assume, ce qu’on tente. Le sens se partage. Le silence, au contraire, isole.
Quand j’ai créé Mieux, mon banquier m’a demandé ma"raison sociale". C’était une question très simple mais profondément belle. La raison sociale, c’est la raison pour laquelle mon entreprise existe dans la société. Si je ne peux pas répondre à cette question, alors je peux être remplacé par une machine. Et ce jour-là, je ne sers plus à rien.
Je le crois profondément, oui. Le leadership de demain sera un leadership incarné. Inspirant, mais non pas dans un sens héroïque, plutôt dans un sens exemplaire. Autrement dit, il s’agira de montrer, à travers ses choix, qu’on est en parfaite adéquation avec ses valeurs.
Pour ma part, je parle souvent parles actes. Mon dernier bilan carbone, par exemple, affichait 3,6 tonnes. Ce n’est pas un chiffre anodin. Cela signifie que je fais des choix. Que je renonce à certaines choses. Que je privilégie une forme de cohérence.
Il en va de même pour les entreprises. Les études révèlent que les salariés attendent de leur manager qu’il soit le premier à incarner les enjeux RSE. Ce n’est pas le directeur général, ni le directeur de la communication : c’est leur manager direct. Celui qu’ils croisent au quotidien. Ainsi, oui, tous les métiers doivent porter cette exigence. Le directeur financier, le responsable logistique, le directeur marketing : chacun à sa manière, chacun à son niveau, mais tous avec le même engagement. Ce n’est pas la fonction RSE qui incarne la RSE. C’est l’ensemble de l’organisation.
Ce que nous observons actuellement, c’est une profonde perte de confiance. Partout, à l’échelle européenne, nationale et internationale, les signaux se brouillent. Les normes, telles que la CSRD, sont chamboulées, morcelées, parfois même dénuées de tout sens. Et derrière tout cela, il y a une réalité qui devient de plus en plus évidente : nous ne pouvons plus attendre des politiques qu’ils accomplissent seuls cette mission.
Pourtant, les citoyens, eux, sont souvent bien plus prêts à agir qu’on ne l’imagine. Je me souviens du Grand Débat : dans les mairies, des cahiers étaient à disposition pour recueillir les doléances. Bien sûr, il y avait des préoccupations sur le pouvoir d’achat, la santé, l’éducation… Mais c’est l’environnement qui arrivait en tête, largement devant des sujets comme l’immigration. C’est un signal fort : le désir d’agir est bel et bien présent.
Alors, certes, nous ne pouvons pas tout attendre de l’État. Mais désormais, la balle est dans notre camp. À nous, acteurs économiques, de prendre la relève. Il y aura toujours des entreprises rétrogrades, des patrons, parfois à l’image de Trump, qui résisteront au changement. Mais il en existe tout autant qui ont pris la décision d’avancer, même seules, de continuer à innover. Elles savent que leur survie en dépend. Une entreprise qui veut être là dans dix, vingt ou trente ans n’a d’autre choix que de se réinventer.
« Sortir de cette société de consommation née après-guerre, de cette illusion où notre identité repose sur ce que nous achetons. Affirmer qu’il est possible de vivre heureux sans accumulation. Trouver du sens ailleurs. »
Je suis convaincu que nous ne partons pas de rien. En quinze ans, les choses ont évolué. On assiste à une véritable professionnalisation des démarches RSE.Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans le greenwashing naïf des débuts. Les grandes entreprises se fixent désormais des objectifs clairs de décarbonation à cinq ou dix ans. Ce qui se dessine maintenant, c’est un tournant : celui du régénératif.
Nous ne parlons plus uniquement de réduire notre impact, mais de réparer. Réparer les dégâts infligés aux écosystèmes, aux ressources, au vivant. C’est là, je crois, le véritable défi : devenir des entreprises à visée régénérative. Pas nécessairement régénératives dès le départ; cela serait présomptueux mais s’engager résolument dans cette direction, dans cette dynamique.
Pour y parvenir, trois leviers sont essentiels.
Le premier, c’est l’économie de la fonctionnalité : passer de la possession à l’usage. Louer plutôt qu’acheter, partager plutôt que multiplier. Timothée Parrique le défend brillamment dans sa réflexion sur la consommation partagée.
Le deuxième levier, c’est la circularité : repenser la manière dont nous gérons les déchets, revisiter les emballages, réinventer les chaînes de valeur.
Le troisième, et non des moindres, ce sont les nouveaux récits. Il faut changer l’histoire que l’on se raconte collectivement. Sortir de cette société de consommation née après-guerre, de cette illusion où notre identité repose sur ce que nous achetons. Affirmer qu’il est possible de vivre heureux sans accumulation. Trouver du sens ailleurs.
Bien sûr, ce changement bouleversera des modèles existants. Certaines entreprises verront leur chiffre d’affaires baisser, des secteurs entiers devront se réinventer. Mais c’est une nécessité. Et c’est aussi la promesse portée par la Convention des Entreprises pour le Climat. À ce jour, plus de mille entreprises ont adopté ce programme, deux mille dirigeants ont rédigé une feuille de route pour devenir des entreprises à visée régénérative. Ce n’est pas qu’une promesse : c’est un mouvement en marche.
Évidemment. La communication a longtemps alimenté l’imaginaire de la surconsommation. Elle en a même été l’un des principaux moteurs. Aujourd’hui, elle doit contribuer à déconstruire ces repères et à en ériger de nouveaux.
Regarde les récits qui ont dominé notre culture : combien de fois nous a-t-on présenté des figures comme James Bond ? Un héros omnipotent, séducteur, flamboyant, destructeur, toujours accompagné de son Aston Martin, de son champagne millésimé, et de son mépris élégant. Ce mythe-là, profondément consumériste, a façonné des générations entières. Il est temps d’en finir avec James Bond. Et de faire émerger une autre figure : celle d’un héros qui ne détruit plus, mais qui répare.
Et tu sais quoi ? Ce renversement est déjà en marche. Nos enfants ne rêvent plus forcément de devenir des sauveurs solitaires. Ils aspirent à autre chose, à plus de sens, de lien, de responsabilité. Et ça, c’est une excellente nouvelle.
Absolument. Sylvain Lambert le résume parfaitement : il faut parfois accepter un retour sur investissement négatif à court terme pour espérer exister sur lel ong terme. Le véritable défi, c’est de réussir à convaincre les actionnaires que renoncer à une part de dividendes aujourd’hui, c’est garantir la survie —et même la prospérité — de l’entreprise demain.
C’est une question de culture. En France, la tradition de la RSE est plus ancrée qu’ailleurs. Nos consommateurs sont mieux informés, plus exigeants. Et quelque part, je crois que nos entreprises ont pris une longueur d’avance. J’écrivais il y a dix ans que les leaders de demain ne seraient pas les GAFAM, mais les entreprises les plus responsables. Alors oui, quand on voit Elon Musk aujourd’hui, je me dis que j’ai peut-être été un peu optimiste… Mais l’intuition reste là. Et le souhait aussi.
La communication, c’est un levier formidable, mais quand tu vois qu’un pneu est crevé, il ne suffit pas de le repeindre : il faut le réparer. Alors on travaille de plus en plus en amont, sur l’innovation. Sur la création de nouveaux produits, de nouvelles solutions.
Un exemple : il y a sept ans, Lexmark voulait remporter plus d’appels d’offres.On a mené une étude, compris que la circularité devenait un critère-clé, et imaginé une plateforme de récupération de cartouches. Elle en a collecté cinq millions, dans soixante pays. Plus récemment, on a développé un nouveau café pour Carte Noire, je ne peux pas encore trop en dire, mais il portera un vrai combat de marque.
Et puis, il y a ce projet qui me tient à cœur : la coalition des Nouveaux Imaginaires. Une alliance d’une dizaine d’agences, toutes expertes dans leur domaine : études, RP, digital, production… L’idée, c’est de mutualiser nos forces pour accompagner les marques qui veulent vraiment changer de récit. Parce qu’on est convaincus que la coopération, c’est l’avenir. Pablo Servigne le dit très bien : dans la jungle aussi, ce n’est toujours pas la loi du plus fort, c’est la loi de l’entraide.
Complètement. C’est un changement de paradigme. Les entreprises ont longtemps été fermées sur elles-mêmes, tournées vers leur propre efficacité. Mais aujourd’hui, on voit naître des collectifs, des dynamiques de coopétition, des écosystèmes de transition.
Tu prends un shampoing, par exemple : ce n’est pas juste un flacon dans une salle de bain. C’est de l’eau, du plastique, de la biodiversité, de la logistique… Toute une chaîne d’impact. Et ça oblige à penser plus large. À se relier. À sortir du silo.
C’est ça, le chemin. Il est complexe. Il demande de l’audace, de l’humilité, et une sacrée dose de courage. Mais c’est un chemin passionnant.
Ce que je disais sur travailler avec ses clients, c’est pareil avec les fournisseurs. C’est cette idée de coopération qui prend tout son sens dans la coalition qu’on a appelée “L’irrésistible alliance du beignet”— un clin d’œil à Kate Raworth et à son donut. L’“irrésistible”, c’est un mot qui revient souvent à la CEC. Ce collectif réunit toute la chaîne de valeur : je n’ai pas nécessairement des clients dans cette alliance, mais des partenaires, des amis, des pairs. Ils m’aident à mieux écouter (via les études, les sondages), à créer des campagnes plus belles, à produire des films percutants, à organiser des événements, à monter des dispositifs créatifs et utiles. Bref, on agit ensemble.
Ce que je vis aujourd’hui me comble : j’ai un métier passionnant, celui que j’ai toujours voulu faire. La communication et l’innovation, c’est du trampoline mental : trouver des idées nouvelles, drôles, dérangeantes, excitantes. C’est un luxe.
Ce qui change, et c’est très enthousiasmant, c’est que les savoirs qu’on doit mobiliser deviennent plus variés. Avant, je voulais que tout le monde à l’agence ait une culture pub et une culture RSE solide. Aujourd’hui, on voit débarquer la sociologie, la philo, la pop culture, l’anthropologie, les sciences dures — et c’est ça qui rend les choses encore plus intéressantes. On fait du trampoline, mais avec des gens différents. Et ça, c’est génial.